LES ORIGINES DU PLAN COMPTABLE FRANÇAIS DE 1947: LES INFLUENCES DE LA DOCTRINE COMPTABLE ALLEMANDE

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CHAPITRE III : LA COMPARAISON DES PLANS COMPTABLES

 

Le travail va consister à comparer entre eux, trois modèles de plans comptables: le Plan Comptable du Reich (dans ses versions intégrale et simplifiée[^20]), le Plan Comptable de 1942 et le Plan Comptable de 1947. Bien entendu, lors de cette comparaison, il faut distinguer le principal du secondaire: on ne peut mettre sur le même pied les problèmes fondamentaux de la structure des classes des plans comptables (et notamment de l’articulation entre la comptabilité générale et la comptabilité analytique) et les problèmes secondaires de la subdivision des classes en divers comptes.

 

A. L’ETUDE DES CLASSES

 

Nous avons juxtaposé, en Annexe 2, les classes des divers plans comptables étudiés.

1- La comparaison des classes du Plan Comptable de 1942[^21] avec le Plan Comptable du Reich fournit deux enseignements principaux:

  • premièrement, l’intitulé et l’ordonnancement des classes du Plan Comptable de 1942 sont rigoureusement identiques à ceux du Plan Comptable du Reich. Le lecteur qui connaît l’allemand pourra vérifier sans peine cette assertion en utilisant les annexes 1 et 2;[^22]
  • deuxièmement, à l’instar des allemands, la Commission de Normalisation de 1942 retient deux variantes de plan comptable :
    • un plan comptable moniste intégral pour les entreprises qui « tiennent une comptabilité de prix de revient » (et donc pratiquent l’inventaire permanent),
    • un plan comptable simplifié pour les entreprises qui ne tiennent pas une comptabilité des prix de revient (et donc pratiquent l’inventaire intermittent). Dans cette variante, les classes 5 et 6, réservées normalement à la comptabilité analytique, ne sont pas servies. Il en va de même de la classe 7 car les variations des stocks de produits en cours et finis sont enregistrées directement en classe 9 pour la détermination du résultat.[^23]

2- La comparaison des classes du Plan Comptable de 1947 avec celles du Plan Comptable de 1942 (annexe 2) permet de mettre en exergue deux points principaux:

  • premièrement, le Plan de 1947 ne reprend pas le modèle moniste (avec intégration de la comptabilité analytique au sein des classes du plan comptable),
  • deuxièmement, le Plan de 1947 se rapproche du cadre comptable simplifié de 1942, mais présente par rapport à lui les principales différences suivantes :
    • la comptabilité analytique (inscrite pour mémoire en classes 5 et 6 dans le plan simplifié de 1942) est (éventuellement) prise en compte en classe 9 après les classes consacrées à la comptabilité financière;
    • la classe 0 des comptes statiques est reprise[^24] mais en la subdivisant dans les classes 1 (comptes de capitaux permanents) et 2 (comptes de valeurs immobilisées);
    • les comptes financiers du Plan de 1942 sont eux aussi dédoublés et repris en comptes de tiers (classe 4) et comptes financiers (classe 5);
    • les comptes de charges par nature qui étaient disséminés dans les classes 3 et 4 (et parfois 2) dans le Plan Comptable du Reich sont regroupés dans la classe 6.

Nous porterons une évaluation sur ces différences après avoir analysé la subdivision des principales classes de comptes.

 

B. L’ETUDE INTERNE DES CLASSES

 

Nous nous intéresserons plus particulièrement à l’étude des comptes de charges, de produits, d’immobilisations, de capitaux et de stocks.

  1. L’étude comparative du détail des classes de comptes de charges et de produits montre une similitude frappante entre les Plans Comptables de 1947 et de 1942. En consultant les annexes 2 et 3 le lecteur pourra constater, par exemple, que la subdivision et la terminologie utilisées pour les comptes de charges en 1947 sont pratiquement identiques à celles qui ont été retenues en 1942; la ressemblance va même jusqu’au détail de la numérotation.[^25] La même remarque peut être faite pour les comptes de produits. En comparant maintenant les comptes de charges et de produits des Plans Comptables de 1942 et du Reich, on peut constater que si les contenus et la terminologie sont très proches,[^26] la classification est différente les normalisateurs français de 1942 ont fait un effort de reclassement non négligeable; ils ont notamment entamé un effort de réunification de toutes les catégories de charges dans les classes 3 et 4.[^27] [^28]
  2. L’étude des comptes de capitaux et d’immobilisations confirme les enseignements précédents. L’influence du plan allemand sur les deux plans français est évidente: le bloc du haut du bilan est placé en tête du plan comptable, mais, si le contenu et la place sont similaires, la classification interne subit un changement important, et cette fois-ci l’effort de reclassement est fait en 1947.
  3. L’étude des comptes de stocks (classe 3). On peut relever avec G. Duthilleul (1956 page 57) deux différences notables entre le Plan Comptable français de 1942 et le Plan Comptable allemand de 1937:
    • premièrement, bien que le Plan Comptable de 1942 intègre la comptabilité des coûts, il ne respecte pas totalement, dans sa formalisation, le processus de formation des valeurs, cher à Schmalenbach, dans la mesure où les stocks de produits en cours et de produits finis sont regroupés avec les stocks de matières, alors que le Plan Comptable allemand les inscrit en classe 8;
    • deuxièmement, le Plan Comptable de 1942 met en exergue des comptes d’achats et préserve leur existence même dans le cas où l’inventaire permanent des stocks est tenu.

Ces deux différences traduisent le fait que les normalisateurs français, formés à l’école classique française qui privilégie le principe du bilan et l’inventaire intermittent, ont du mal à s’habituer à une autre logique qui privilégie le circuit de production et l’inventaire permanent.[^29]

Bien d’autres différences entre le Plan Comptable de 1942 et le Plan Comptable de 1947 peuvent être relevées.[^30] Deux attitudes sont dès lors concevables. On peut s’appuyer, comme le fait G.Duthilleul (1956 page 63), sur une analyse en finesse pour montrer que des différences nombreuses existent et conclure que « sous des appellations semblables, le Plan Delmas et les plans allemands recouvrent des réalités entièrement différentes ». Mais on peut aussi considérer que l’analyse en finesse est l’arbre qui cache la forêt et qu’au delà des différences bien réelles, l’esprit et le cadre fondamental du Plan Comptable allemand ont été repris en 1942. C’est cette opinion que nous adopterons ici. Les emprunts du Plan Comptable de 1942 au Plan allemand de 1937 nous paraissent trop considérables pour que l’on puisse nier l’influence allemande. Nous avons en outre repéré une certaine filiation entre le Plan Comptable de 1947 et celui de 1942; mais avant de porter un jugement plus précis sur ce point, il convient de s’interroger sur l’impact de la tentative de Pierre Garnier de mettre au point un Plan Comptable spécifiquement français.

 

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