CONCLUSION GENERALE
Les développements précédents nous permettent de dégager les six enseignements principaux suivants :
- Premièrement, le Plan Comptable de 1942 est fortement marqué par l’influence des plans comptables allemands; parler à son propos d’une oeuvre originale, ne paraît pas traduire la réalité.
- Deuxièmement, le Plan Comptable de 1942 présente deux variantes: une variante développée pour les entreprises qui tiennent une comptabilité des prix de revient, et une variante simplifiée pour les (petites et moyennes) entreprises qui ne tiennent pas une comptabilité des prix de revient.
- Troisièmement, alors qu’en 1942, la commission animée par J. Leprêtre avait privilégié la variante développée, en 1945-1947, le législateur s’est notamment inspiré de l’exemple de la variante simplifiée pour bâtir le Plan Comptable de 1947.
- Quatrièmement, l’apport du législateur français en 1947 a consisté pour l’essentiel en une rationalisation de la version simplifiée du Plan Comptable de 1942: du fait des influences allemandes sur ce dernier, on peut donc dire qu’il y a eu à la fois travail original et emprunt aux techniques développées outre Rhin le Plan Comptable de 1947 est une oeuvre composite.
- Cinquièmement, le choix par la France, en 1947, d’un modèle de plan comptable dualiste ne constituait cependant pas une innovation à l’échelle internationale. D’autres modèles de plans dualistes existaient ailleurs auparavant et avaient été proposés par des techniciens allemands (comme Schär, Bredt) ou autrichiens (comme Czekalla) pour assurer, notamment, le secret des affaires.
- Sixièmement, le passage d’un plan comptable prioritairement moniste (en 1942) à un plan comptable dualiste (en 1947) s’explique, semble-t-il, plus par des raisons d’ordre politique (crainte du patronat d’une atteinte au secret des affaires) que des raisons d’ordre technique. On peut dire en simplifiant que si en 1942, les milieux modernistes du patronat français pouvaient intéresser les entreprises à l’idée d’une amélioration des méthodes de gestion à l’aide d’un plan cadre de type moniste, trois ans plus tard, il n’en était plus question en raison du changement politique et social. On allait alors d’abord vers une formule dualiste, puis vers l’absence d’application du plan comptable cadre pour les entreprises privées.
L’avenir allait montrer que, plus tard, vers les années 1960, c’est l’administration fiscale qui allait s’emparer de l’idée de la normalisation des comptabilités par le Plan Comptable et donner ainsi à la comptabilité française (et à son enseignement) des objectifs totalement différents de ceux auxquels les normalisateurs de 1942 avaient pensé: fondamentalement, le Plan Comptable Cadre n’était plus un instrument de gestion des entreprises mais un instrument de contrôle fiscal.
Près de cinquante ans plus tard, le schéma de plan comptable retenu en 1947, pour des raisons tout à fait particulières, devient, comme nous l’avons montré par ailleurs, difficile à conserver et freine le développement des techniques et de la pédagogie comptables (J. Richard 1992).